17 Mai 2018

Repas étoilé à la prison de Brest.
« Ça leur donnera peut-être envie d’être chef, plus tard »


En un an, à la maison d’arrêt de Brest, 38 détenus ont reçu une formation à la cuisine.
Jeudi 16 mai, pour fêter cet événement, le chef Yvon Morvan a été l’invité d'Alain Crivelli, formateur cuisine au CLPS.
Au menu : un déjeuner d’exception !
 
Chacun met la main à la pâte… | OUEST-FRANCE

« Il est 11 h 45. Les invités arrivent dans un quart d’heure. On est pas mal ! » lance le chef Yvon Morvan à sa brigade. Cuisine neuve. Ambiance concentrée. On se croirait dans n’importe quel restaurant. Pourtant nous sommes bien à la prison de Brest. Ils sont huit détenus en formation cuisine : sept femmes et un homme (il y en avait deux autres à l’origine, mais ils ont été libérés et ont dû arrêter !).

Les stagiaires terminent des sablés aux fraises de Plougastel. Un dessert qui, telle une cerise, viendra clore un menu d’exception : ormeaux de Molène en amuse-bouche, ravioles de langoustines en entrée, et feuilleté de pigeon farci au foie gras en plat de résistance.

Ce jeudi 16 mai, on fête l’anniversaire de cette formation cuisine originale, avec Yvon Morvan en invité-star, chef étoilé de 2007 à 2016 à l’Armen, à Brest. Au restaurant d’application, les heureux convives sont des élus locaux et régionaux, le sous-préfet, des magistrats.

Le restaurant d'application, ouvert tous les quinze jours, est ouvert aux élus, magistrats, gendarmes, personnels de la maison d'arrêt, restaurateurs, etc. | OUEST-FRANCE

« Il explique bien »
En un an, 38 détenus (pour 134 demandes) ont été formés. Ils sont volontaires, mais ont été sélectionnés. La « Préqualification au secteur de la restauration » est une formation non diplômante, initiée il y a un an, financée par le conseil régional, et animée par le centre de formation continue CLPS de Brest. « Cette formation professionnelle était destinée aux hommes. J’ai voulu qu’elle soit mixte, car, sinon, il y a peu de choses pour les femmes », précise Catherine Pech, directrice de la maison d’arrêt. Durant quatre mois et demi, quatre matinées par semaine, ils apprennent les bases de la cuisine avec Alain Crivelli, formateur : « Je viens travailler à la prison comme dans n’importe quel centre. J’ai un bip d’alerte, mais il ne sert à rien. » [Alain Crivelli, formateur cuisine au CLPS de Brest, et Yvon Morvan, chef étoilé de 2007 à 2016 à l'Armen. En arrière plan, Catherine Pech, la directrice de la maison d’arrêt..]


Alain Crivelli, formateur cuisine au CLPS de Brest, et Yvon Morvan, chef étoilé de 2007 à 2016 à l'Armen. En arrière plan, Catherine Pech, la directrice de la maison d’arrêt.. | OUEST-FRANCE

Pour emprunter un couteau, il faut demander au chef et passer par un système de jetons. Mais l’ambiance est sereine.

« Faire de la cuisine raffinée, c’est valorisant ! Ça leur donnera peut-être envie d’être chef, plus tard », poursuit Alain Crivelli. « Mon souhait, c’est de leur apporter quelque chose », explique Yvon Morvan, qui s’est installé au Vioben, à Landéda. Avec bonheur, il distille ses « trucs », comme ces artichauts cuits à l’huile d’olive, dans la poêle, plutôt qu’au court-bouillon traditionnel.



Le chef apprend aux stagiaires à hâcher finement du persil. | OUEST-FRANCE

Une détenue apprécie : « C’est la première fois que je vois un chef étoilé. Il explique bien. Il est très sympa. » Une autre ajoute : « J’oublie que je suis en prison. Je m’ennuie moins. Le matin quand je me lève, j’ai un but ! »

Agressivité en baisse

Gabriel, 27 ans, a déjà une expérience en salle et aux fourneaux : « J’apprends la cuisson des viandes. Et je découvre des produits aussi, comme le pigeon. »

Selon Catherine Pech, la formation fait « baisser l’agressivité » dans cette prison qui accueille 403 détenus pour 254 places, soit un taux d’occupation moyen de 153 %. Une surpopulation qui touche les hommes avec un taux de 175 % contre 110 % chez les femmes (qui sont 23 pour 20 places).

Et après leur libération ? Un ancien stagiaire est en passe d’obtenir un contrat de qualification chez un restaurateur, et deux autres commencent une formation de CAP au CLPS.


Dans une cour de la prison. | OUEST-FRANCE

Un dessert très appétissant. | OUEST-FRANCE


Les cellules de la prison | OUEST-FRANCE

© Ouest France - Laurence GUILMO

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