18 MARS 2019

Reconversion. Alain Crivelli un CAP cuisine à 57 ans


À 57 ans, Alain Crivelli a passé un CAP cuisine après 30 ans passé dans la communication.
Aujourd’hui, il a pris la place de son professeur au sein du Centre de formation professionnellle et forme des personnes détenues à la maison d’arrêt de Brest à son métier de passion.
> Pourquoi avoir choisi la reconversion dans la cuisine à 57 ans ?

J’étais un homme de communication et ma passion a toujours été la cuisine. J’ai passé 30 ans dans la com’. En 2015, l’entreprise pour laquelle je travaillais a procédé à quelques licenciements économiques et, à 57 ans, je me suis retrouvé sur la touche. Lors de mon entretien à Pôle Emploi, la conseillère m’a dit « Mais je vous ai déjà vu dans "Un dîner presque parfait", l’émission de cuisine sur M6 » et elle m’a proposé un CAP cuisine. J’ai été licencié en septembre et en octobre je commençais ma formation. Je me suis aperçu que le CAP m’a vraiment fait monter d’un cran. Avant, je connaissais les bases de la cuisine, mais pas comme un vrai pro. Aujourd’hui, non seulement je suis formé, mais je forme aussi des gens au CLPS (centre de formation pour adultes). C’est comme si j’avais passé cinq CAP depuis.


> Donc vous avez complètement arrêté la communication…

Pas directement. Après mon CAP, j’ai commencé à faire des animations de team building autour de la cuisine dans les entreprises. Je mélangeais le côté communication avec ma passion et c’était très sympathique. Il me restait quand même trois ans avant la retraite et il faut que je travaille. Je pense que je travaillerai même après la retraite. Je suis un agité, un agitateur. Quand je travaillais dans la pub, j’avais beaucoup d’idées donc on me disait : « Tu es un vrai agitateur d’idée ». Maintenant, j’ai gardé agitateur mais de saveurs.


> Vous avez participé à plusieurs émissions de télévision sur la cuisine dont « Un dîner presque parfait », en 2011, ou « Master Chef », " en 2015. D’où vous est venue cette idée ?

C’était ma passion donc je me suis dit, au moins tu vas voir ce que tu vaux. J’aimais bien cuisiner chez moi mais je voulais vraiment passer un cap ! Quand j’ai préparé « Un dîner presque parfait », j’ai voulu monter en niveau. On était 800 candidats à Brest. Je suis arrivé dans les six derniers. Mon pote, mon mentor aussi, Yvon Morvan, chef du restaurant Le Vioben, à l’Aber-Wrac’h, m’a coaché et j’ai gagné un chèque. Ce n’était pas pour les 1 000 euros, mais je n’y suis pas allé pour jouer les seconds rôles. Deux ans après, j’ai été sélectionné pour faire « Master Chef » sur TF1. C’est là que j’ai vraiment pris le virus de la cuisine.


> Quelles leçons avez-vous tirées de votre reconversion ?

Dans la vie, il faut faire ce qu’on a vraiment envie de faire. C’est la grande leçon que je dirais à des gens qui ont envie de se reconvertir. Il faut tenter. Mais il faut être prêt. Financièrement, il y a forcément une perte à un moment donné. La problématique c’est : « Est-ce que je tente ou je reste toute ma vie a me plaindre ? ». Le fait que j’ai été licencié économiquement fait que je bénéficiais d’un parcours de reconversion professionnelle plus sécurisant. J’avais déjà pensé à tout plaquer pour la cuisine. Mais est-ce que j’aurais eu le courage de le faire, je ne suis pas sûr. Avant de mourir, mon père m’a dit « Tu te rends compte, tu es né à Lyon et si, à 16 ans, au lieu d’entrer dans la Marine, à Brest, tu avais fait une école de cuisine, tu imagines ce que tu serais aujourd’hui ? ». Mais faut pas regretter. Et je suis content de mon changement de métier. Sauf financièrement. Mais à mon âge, c’est presque accessoire.


> Quels sont vos projets pour la suite ?

J’aimerais bien monter un centre culinaire. Avec plusieurs chefs qui viendraient pour faire des cours de cuisine, des ateliers grand public. Quelque chose de participatif. J’ai un autre projet qui, lui, va être astronomique. Faire un Guinness des Records. Trente jours chez trente chefs étoilés différents. Je les ai déjà dans mon répertoire. Maintenant, il faut que je trouve plus de sponsors et une date. Cet été peut-être.

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« De la cuisine à la prison, il n’y a que onze portes »

Après sa reconversion dans la cuisine, Alain Crivelli devient formateur au CLPS, un centre de formation professionnelle. L’école lui propose un poste un peu particulier. Il accepte. Ses cours dépassent alors les murs de l’établissement pour en pénétrer de plus épais. Ceux de la maison d’arrêt de Brest.

Trois jours par semaine, Alain passe onze portes avant d’arriver à sa cuisine. « Onze pour entrer, onze pour sortir, ça fait 22 portes par jour. Sur l’année, ça en fait un paquet », rigole le cuistot.

« Faire oublier la détention »

Depuis un an, le chef intervient dans la prison pour former des personnes détenues à la cuisine, en préqualification. Financées par la région Bretagne, les formations durent quatre mois et permettent de « donner leur chance aux détenus, de trouver du boulot. Ça fait 80 % de la réinsertion ! », estime Alain.

« Ce qui est important dans ce programme, c’est de faire oublier la détention », poursuit-il. Pour cela, une seule solution : « la passion de la cuisine ». « Quand on arrive aux fourneaux, on n’a qu’une envie, c’est de faire un beau plat, et de faire bien. C’est tout. On ne pense plus au reste ».

Un jeune qu’il avait en cours poursuit désormais son apprentissage de cuisinier dans un restaurant de Brest. « On me l’a confié en me disant : "On sait que ça ne va pas marcher, mais on te le donne quand même", explique Alain. Quatre mois plus tard, ce jeune est sorti de prison avec un bracelet électronique. Il a trouvé du boulot, il s’occupe de son gamin, de sa femme et, pour moi, c’est magnifique de voir ça », sourit le sexagénaire, qui ne cache pas son attachement pour certains élèves.

« Leur donner un déclic »

« On a quand même un petit côté paternel. Ça ne fait pas partie du contrat mais ça fait partie de la vie », développe-t-il. « En premier, ce sont des élèves à qui je transmets un savoir. Après, on va un peu au-delà, bien sûr. On a des tripes ».

« Le 4 avril, je vais faire venir Yvon Morvan à la prison », explique Alain. Avec le chef étoilé du restaurant Le Vioben, les détenus prépareront un repas auquel seront conviés la directrice de la prison et le personnel de l’administration.

« Ce que j’essaye de faire, c’est de créer un déclic. Peut-être que la venue d’Yvon Morvan peut déclencher ça chez l’un d’eux. Qu’il se dise "Moi aussi, je veux devenir chef étoilé un jour"», espère Alain.

© Le Télégramme

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