Repas étoilé à la prison de Brest.
« Ça leur donnera peut-être envie d’être chef, plus tard »
« Il est 11 h 45. Les invités arrivent dans un quart d’heure. On est pas mal ! » lance le chef Yvon Morvan à sa brigade. Cuisine neuve. Ambiance concentrée. On se croirait dans n’importe quel restaurant. Pourtant nous sommes bien à la prison de Brest. Ils sont huit détenus en formation cuisine : sept femmes et un homme (il y en avait deux autres à l’origine, mais ils ont été libérés et ont dû arrêter !).
Les stagiaires terminent des sablés aux fraises de Plougastel. Un dessert qui, telle une cerise, viendra clore un menu d’exception : ormeaux de Molène en amuse-bouche, ravioles de langoustines en entrée, et feuilleté de pigeon farci au foie gras en plat de résistance.
Ce jeudi 16 mai, on fête l’anniversaire de cette formation cuisine originale, avec Yvon Morvan en invité-star, chef étoilé de 2007 à 2016 à l’Armen, à Brest. Au restaurant d’application, les heureux convives sont des élus locaux et régionaux, le sous-préfet, des magistrats.
Pour emprunter un couteau, il faut demander au chef et passer par un système de jetons. Mais l’ambiance est sereine.
« Faire de la cuisine raffinée, c’est valorisant ! Ça leur donnera peut-être envie d’être chef, plus tard », poursuit Alain Crivelli. « Mon souhait, c’est de leur apporter quelque chose », explique Yvon Morvan, qui s’est installé au Vioben, à Landéda. Avec bonheur, il distille ses « trucs », comme ces artichauts cuits à l’huile d’olive, dans la poêle, plutôt qu’au court-bouillon traditionnel.
Le chef apprend aux stagiaires à hâcher finement du persil. | OUEST-FRANCE
Une détenue apprécie : « C’est la première fois que je vois un chef étoilé. Il explique bien. Il est très sympa. » Une autre ajoute : « J’oublie que je suis en prison. Je m’ennuie moins. Le matin quand je me lève, j’ai un but ! »
Gabriel, 27 ans, a déjà une expérience en salle et aux fourneaux : « J’apprends la cuisson des viandes. Et je découvre des produits aussi, comme le pigeon. »
Selon Catherine Pech, la formation fait « baisser l’agressivité » dans cette prison qui accueille 403 détenus pour 254 places, soit un taux d’occupation moyen de 153 %. Une surpopulation qui touche les hommes avec un taux de 175 % contre 110 % chez les femmes (qui sont 23 pour 20 places).
Et après leur libération ? Un ancien stagiaire est en passe d’obtenir un contrat de qualification chez un restaurateur, et deux autres commencent une formation de CAP au CLPS.